Salut à toi,
Content de te retrouver. Deuxième newsletter de la rentrée. La 19ème depuis que j’ai démarré (bientôt la 20ème 😍).
Passons au sujet du jour : les biais ! On en entend souvent parler mais sans forcément que ça soit traité de manière très rigoureuse. C’est ce que j’aimerais faire là.
Qu’est-ce qu’un biais ?
Définition
Si je lis ce qui est marqué sur Wikipedia, un biais cognitif est “une déviation de la pensée rationnelle”. Pas clair tout ça. Qu’est-ce que ça veut dire ?? 🤔
Découpons :
Cognitif renvoie à l’activité intellectuelle, du cerveau, et ce qui est lié avec le fait de connaître - comprendre - mémoriser des choses. On pourrait l’opposer à “physique” par exemple. C’est pas pour dire qu’il n’y a pas d’activité “physique” derrière le cerveau mais grosso modo une activité cognitive ne fait pas bouger nos muscles. C’est le cerveau qui bosse.
Pensée rationnelle désigne toutes les facultés qu’on utilise pour décider, en pesant le pour ou le contre, certaines choses. Lorsqu’on ne fait pas les choses par instinct typiquement. On me donne un menu au restaurant, je vais réfléchir de manière rationnelle en incluant des paramètres comme : “je dois faire attention à ma ligne” ; “j’ai mangé une pizza il y a deux jours” pour trouver le bon plat. C’est ma pensée rationnelle En revanche, parfois je vois un paquet bonbons chez moi, je ne peux pas m’empêcher de le manger, je n’ai pas réfléchi avant. Ce n’est pas ma pensée rationnelle.
Déviation correspond donc au fait de nous détourner de la pensée rationnelle. Comme une déviation des rails d’un train. Le cerveau était parti sur les rails de la pensée rationnelle. Le biais le fait partir sur d’autres rails plus irrationnels où on va donc potentiellement prendre des décisions sans réfléchir, ou en prêtant attention aux mauvais éléments.
D’ailleurs dans la vie de tous les jours, on dit “tu es biaisé” un peu comme si on disait “tu as des préjugés” ou “tu as déjà une opinion là dessus donc normal que tu sois pas d’accord avec moi” !
Ça correspond à la définition ici : tu n’utilises pas ta pensée rationnelle, tu fais un raccourci de la pensée 😃
C’est un peu théorique mais on va rendre tout ça beaucoup plus concret par la suite.
Pourquoi c’est important
D’abord, de manière générale, parce qu’il faut utiliser son cerveau ou au moins, prendre la décision ou non de ne pas l’utiliser.
Ensuite parce qu’il y a des biais partout autour de nous, et on risque beaucoup de se faire manipuler si on n’en est pas conscient.
Le marketing utilise souvent différents biais pour nous passer à l’action et nous faire :
Acheter plus que nécessaire
Acheter quelque chose dont on n’a pas besoin
💡 Premier exemple le lait pour renforcer les os 🥛
On nous a créé une association positive entre le lait et le fait d’avoir des os solides. Il y a évidemment du calcium dans les os et dans le lait. Mais ça n’est pas pour ça que si je bois du lait tous les matins, je vais avoir les os solides, je vais moins risquer d’avoir des os décalcifiés, je vais moins me casser la jambe. D’ailleurs, il n’y a apparemment pas d’études qui montrent de lien entre la consommation de lait et l’ostéoporose. En revanche, de nombreuses personnes ont des difficultés à digérer le lait.
⇒ C’est un biais lié à la force des campagnes marketing et de communication des lobbys laitiers. À force on ne se pose même plus la question de si le lait est bien bon pour la santé ! On “sait” que ça renforce les os. Et qui ne voudrait pas les renforcer ?
💡 Deuxième exemple les réductions exceptionnelles 🚨
Vous voyez forcément le genre de réduction dont je parle. On nous pousse à acheter 3 articles plutôt qu’un, parce que ça coûte moins cher individuellement. Oui mais est-ce qu’on en a vraiment besoin de 3 ? Parfois, c’est pertinent pour faire des économies. Parfois ça pousse à surconsommer ou à gaspiller au final.
⇒ C’est bien un biais qui nous pousse dans cette situation (on reviendra dessus ensuite). On a peur que plus tard, ça nous coûte plus cher et que ça soit moins intéressant. “Ah mais si j’achète aujourd’hui un deuxième shampoing, il m’aura coûté moins cher que si je l’achète dans 1 mois au prix normal.” Mais ce qui nous pousse à l’achat, ce n’est pas une pensée rationnelle qui vise à optimiser un budget. Ce qui nous pousse à l’achat, c’est qu’on sera agacés d’acheter le shampooing au prix normal dans 1 mois quand on se rappellera qu’on aurait pu l’avoir en réduction.
Plusieurs biais connus
Les biais du créateur
En tant que créateur de produit, c’est important de ne pas tomber dans le piège de ces biais. Il y a toujours un peu d’émotionnel lorsqu’on construit un produit. On ne peut pas tout rationaliser et aseptiser. Mais attention car les biais peuvent nous mener dans la mauvaise direction.
Le biais de confirmation
Définition du biais de confirmation
Le biais de confirmation fait que je ne détecte que les informations qui vont dans le sens de mes hypothèses. Je repère tous les éléments qui vont me faire avoir raison. Je ne vois pas (ou je fais semblant de ne pas voir) les éléments qui me contredisent.
Illustration du biais de confirmation
En tant que créateur de produit, ce biais est très dangereux. En effet quand on construit un produit, on passe son temps à faire des hypothèses et à essayer de les valider. Or, on se rend compte souvent que sur 100 idées, 90% ne sont pas très intéressantes, 9% sont très intéressantes, 1% est génialissime (quand on a de la chance). Bref on se trompe beaucoup. Le risque, si je suis victime de mon biais de confirmation, c’est que je prenne 1 de ces 100 idées et que je ne voie que les informations qui confirment que c’est une bonne idée.
Le problème c’est qu’en faisant ça :
→ 1️⃣ J’ai 90% chance de travailler sur une piste qui n’est pas pertinente
→ 2️⃣ Je passe trop de temps sur une seule piste, là où j’aurais plutôt intérêt à en tester plein d’autres afin de tomber sur les 10% de bonnes idées
On s’en protège comment ?
La difficulté avec ce biais est qu’il va souvent se manifester dans des situations stressantes. Typiquement, il va survenir pendant des entretiens utilisateurs. Au cours de ces entretiens, je vais avoir envie que l’utilisateur soit d’accord avec moi et qu’il confirme mon hypothèse ! Je risque donc de manquer de lucidité et de l’aiguiller vers ce qui m’intéresse plus (inconsciemment d’ailleurs).
Pour cela, il faut anticiper et se préparer à l'avance. Donc on peut :
Formaliser un guide d’entretien
Écrire une check-list à vérifier en amont pour être plus détendu
Effectuer les entretiens à plusieurs pour combattre à deux ces biais
Le biais de Hawthorne
Définition du biais de Hawthorne ou effet Hawthorne
Le biais de Hawthorne fait que lorsqu’on se sait observé, on agit différemment de lorsqu’on n’est pas observé ou qu’on ne sait pas qu’on nous observe.
Illustration du biais de Hawthorne
Dans la vie courante, ce biais se produit dans beaucoup de situations. Par exemple lorsque je suis dans l’Open Space, je vois d’autres personnes autour de moi, donc la pression sociale et le fait qu’ils me voient, va m’inciter à être plus efficace et plus concentré sur mon travail. Si j’étais tout seul, je ne serai pas autant productif. Ou lorsque je fais du sport, s’il y a du public, je serai sûrement plus motivé. J’aurai envie de montrer ce que je vaux.
Dans la tech, il faut se méfier de ce biais lorsqu’on effectue du “shadowing” d’utilisateurs. C’est à dire, lorsqu’on va rester à côté d’un utilisateur pendant une journée pour voir comment il utilise un outil donné. C’est une manière très efficace d’identifier des pain points dans le quotidien de l’utilisateur avec l’outil qu’il utilise. Le problème c’est que l’utilisateur risque de ne pas agir normalement parce qu’il sait que quelqu’un le regarde. Par exemple, il va sûrement bien respecter le processus théorique défini par la hiérarchie pour éviter des remontrances. Pourtant, tout seul, il n’aurait peut être pas respecté tout ça.
On s’en protège comment ?
Être conscient de ce biais va déjà beaucoup nous faciliter la tâche. En anticipant cet élément, on peut mieux s’en prémunir. Voici plusieurs actions à mettre en place pour une session de shadowing plus efficace et plus fiable :
Parler avec l’utilisateur en amont et bien lui dire qu’il faut “qu’il agisse comme il le fait normalement” car c’est la meilleure manière de l’aider
Rester le plus neutre possible en phase d'observation, c’est forcément un moment stressant donc tout signal verbal ou non-verbal peut être sur-interprété
Inclure ce paramètre lors de l'analyse des données, typiquement si on mesure la vitesse d’exécution de tâches, prévoir un coefficient de minoration (en faisant l’hypothèse qu’on se dépêche plus quand on est sous les projecteurs).
Le biais de complexité
Définition du biais de complexité
Côté constructeur, le biais de complexité fait que tout constructeur (quelqu’il soit) aime construire des choses complexes. Entre construire une solution simple épurée et efficace. Et construire une solution de laquelle la complexité transpire, on choisit souvent la complexe.
Illustration du biais de complexité
On est régulièrement confronté à ce biais dans la vie courante. Il n’y a qu’à voir comment jouent les enfants. Si tu donnes un paquet de Kapla à un enfant, il va essayer de faire une structure complexe. La plus grande tour possible !
Dans la tech c’est la même chose, on n’aime pas les applications vides. On aime remplir l’espace avec des boutons et des fonctionnalités. Pour la simple et bonne raison qu’on a peur que ça ne fasse pas sérieux si c’est trop épuré ou trop vide. C’est ce qui ressort aussi de cette comparaison entre l’écran Yahoo et l’écran Google dans les années 2000. Au niveau Yahoo, on a voulu se rassurer en mettant plein plein plein de fonctionnalités. Au risque de perdre en lisibilité et en simplicité.
On s’en protège comment ?
Côté créateur, c’est un biais hyper répandu, difficile d’y échapper. Par ailleurs certaines interfaces ont besoin d’un peu de complexité donc il faut trouver un bon équilibre. Quelques idées :
Anticiper qu’on va avoir ce biais de complexité, y être préparé, comme ça on sera moins surpris et on pourra mieux réagir
Essayer, itérer, s'acharner, pas possible de faire simple du 1er coup, donc autant partir d’une 1ère version qu’on simplifie petit à petit
Être obsédé par la simplicité, ça doit être un réflexe systématique. “Comment rendre ça plus simple ?”
Savoir utiliser avec parcimonie la complexité, comme sur certains sites de réservation, où les résultats des requêtes sont ralentis exprès. Sinon, l'utilisateur fait moins confiance au site.
S'adapter au contexte, un jeu pour enfant sera toujours beaucoup plus simple que le tableau de bord d'un avion.
Les biais de l’utilisateur
En tant qu’utilisateur et consommateur, il faut également être vigilant à ne pas tomber dans le piège de certains biais. Parfois, ils peuvent nous rendre service et nous aider à passer à l’action… mais souvent ils sont là pour nous manipuler à notre insu.
Le biais de complexité (aussi)
Définition du biais de complexité
Côté utilisateur, le biais de complexité fait que plus une solution a l’air complexe, plus l’utilisateur aura l’impression qu’elle est fiable et efficace.
Illustration du biais de complexité
Dans la vie courante, c’est pour ça par exemple qu’on est souvent impressionnés par les gens qui emploient des mots compliqués. Des mots comme exogènes, intrinsèques, consubstantiel (vous voyez que j’aime bien aussi ces mots d’ailleurs 😂). Il s’agit pas de critiquer les personnes qui ont du vocabulaire. Ces mots permettent de traduire une idée plus précisément que si on employait des mots plus courants. Pourtant, parfois il arrive que des personnes fassent exprès d’employer des mots compliqués juste pour avoir l’air savant. Et ça marche parce que les personnes les écoutant se disent qu’ils ont l’air intelligents.
Dans la tech, ce biais est important pour sécuriser les utilisateurs. Notamment lorsqu’on fait face à des opérations structurantes et significatives. Typiquement lorsque tu fais une réservation sur un site d’avion. C’est connu que ces sites sont ralentis exprès lorsqu’on recherche des trajets pour donner l’impression que c’est compliqué. Ça marche aussi pour les virements bancaires. C’est pas très rassurant quand on fait un gros virement bancaire et que c’est super rapide. C’est pour cette raison que dans les films, on rajoute souvent des espèces de barres de chargement comme celle-ci :
En fait une transaction financière c’est juste un envoi d’information très rapide mais ça nous rassure de voir ce genre d’éléments pour nous rassurer qu’il se passe quelque chose de compliqué.
On s’en protège comment ?
D’un côté, comme on l’a vu, ces choses renforcent la confiance de l’utilisateur donc ça n’est pas forcément dramatique. L’objectif d’un site de réservation d’avion ou d’une banque, c’est que les utilisateurs fassent confiance au site ou à la banque. Donc pourquoi pas rajouter ce genre de choses.
De l’autre, souvent, on ne traite pas le problème sous-jacent qui est une sorte de crainte qu’on a fait la mauvaise action (pour le virement) ou que les résultats ne sont pas fiables. C’est pour ça qu’il y a d’autres manières de sécuriser les utilisateurs plutôt que ces petits artefacts. Mieux vaut éduquer et pousser à utiliser sa pensée rationnelle lorsqu’on le peut.
Le biais du Fomo (fear of missing out / peur de rater un truc)
Définition du biais FOMO
Ce biais fait qu’on va choisir de saisir une opportunité aujourd’hui pour ne pas risquer de ne pas pouvoir y avoir accès demain. Il s’agit d’un biais au sens où la décision de saisir l’opportunité n’est pas le résultat d’une réflexion dont la conclusion serait “tout bien considéré, il faut que je la saisisse”. Non, on se dit que si demain l’opportunité n’est plus disponible, on aura le sentiment “d’avoir raté un truc”. En anglais FOMO = fear of missing out ; qu’on peut à peu près traduire par “la peur de rater quelque chose.”
Illustration du biais FOMO
Dans la vie courante ou dans la tech, on est couramment soumis à cela. Notamment avec les mécanismes de réduction “exceptionnelle”.
On est tous habitués à ce genre de publicité un peu racoleuse :
Ici on voit marqué que tous les prix sont moins élevés et sont à 40%. Mais ce qu’on dit aussi au consommateur, en creux, c’est : “attention, achète aujourd’hui parce que demain quand ça ne sera plus black friday, les prix ré-augmenteront.”
On s’en protège comment ?
Il faut essayer de contrôler ce biais du FOMO. Parfois, c’est bien de saisir certaines opportunités. Mais on doit savoir aussi dire non à d’autres.
À mon avis tout passe par des questions assez simples :
Est-ce qu’il y a vraiment une opportunité pertinente ?
Ou est-ce que j’ai juste peur d’être frustré demain si jamais cette opportunité n’est plus présente ?
Est-ce que sans ce sentiment d’urgence, cette opportunité serait aussi attirante ?
Est-ce que je vais être plus heureux en saisissant cette opportunité ?
Le biais du survivant
Définition du biais du survivant
Ce biais consiste à utiliser un exemple ou une histoire particulière / individuelle pour généraliser un raisonnement.
Illustration du biais du survivant
Un exemple que j’aime beaucoup dans la tech c’est celui de Bill Gates et Marc Zuckerberg. Ils sont devenus tous les deux milliardaires avec une boîte énorme en quittant l’école sans être diplômés ! Quelqu’un qui serait victime de ce biais du survivant, pourrait t’inciter à quitter aussi l’école sans être diplômé, pour devenir comme eux. “Ils ont réussi comme ça, alors toi aussi tu pourrais réussir comme ça !”. Le problème c’est que pour ces 2 exemples prestigieux, combien de personnes ont quitté l’école sans diplôme et ne sont pas devenus milliardaires ? Beaucoup évidemment. Bill Gates ou Marc Zuckerberg sont des survivants.
On utilise aussi souvent l’histoire des avions de la Première Guerre Mondiale pour illustrer ce biais. À l’époque les mécanos de l’armée avaient repéré les points d’impacts suivant (représentés en rouge sur le schéma) sur les avions qui rentraient à la base. Ils voulaient donc blinder ces zones. Mais un mécano a suggéré l’inverse : blinder les zones sans impact. Son argument : aucun avion survivant n’a de trace d’impact à ces endroits… donc les avions qui ont été touchés ici n’ont pas dû survivre.
On s’en protège comment ?
Il faut essayer le plus possible de prendre du recul dans ces situations. Ce biais peut te pousser à prendre de mauvaises décision “je veux monter ma boîte pour qu’elle devienne une licorne et que je sois millionnaire”. Donc pour éviter ce genre de raisonnements trop hâtifs il faut :
Relativiser le plus possible les anecdotes individuelles
Éviter de prendre de grandes décisions de vie sur l’instant ou sous le coup de l’émotion, avec plus de recul on arrive à mieux identifier ce biais.
Récupérer le plus d’informations possibles, par exemple, quel est le salaire moyen des personnes qui quittent l’école sans être diplômés ?
Ne pas hésiter non plus à se faire inspirer par des histoires individuelles, c’est bien de se faire motiver par des personnes qui ont accompli des choses exceptionnelles même si par définition, tout le monde ne peut pas faire des choses exceptionnelles
Pour tous
Enfin, en tant qu’individu, c’est important également d’avoir en tête ces deux derniers biais qui peuvent nous influencer.
Le biais de halo
Définition du biais de halo
Le biais de halo fait que l'impression dominante qu’on a d’une personne influence (positivement ou négativement) les autres impressions qu’on a de lui. Comme quand on dit “c’est la première impression qui compte”. En fait ce qu’on dit c’est : “la première opinion / impression que les gens vont avoir de toi va influencer positivement ou négativement toutes les opinions / impressions suivantes.”
Illustration du biais de halo
On l’a vu tout à l’heure avec le lait. Il y a une sorte de halo de lumière autour du lait qui fait que ça illumine tout ce qui touche au lait. C’est forcément bon pour la santé.
Dans la tech, ça pourrait être le cas pour moi par exemple. Je partage beaucoup de contenu sur le Product Management sur mon profil LinkedIn. C’est mon expertise donc je maîtrise le sujet. Je sais dire des choses fouillées, approfondies et sourceés. Le risque c’est que comme je suis très à l’aise sur ces sujets, on se dise que je vais potentiellement aussi raconter des choses pertinentes sur d’autres sujets (même si je n’y connais rien). Comme si le halo de l’expertise sur le Product Management s’étendait sur d’autres expertises.
On s’en protège comment ?
Encore une fois il faut se laisser le temps de la réflexion et prendre du recul lorsqu’on est en train de juger ou d’analyser une situation où un potentiel biais de halo pourrait survenir.
Si je sais qu’une chose ou une personne m’a donné une forte impression, je dois en être conscient et bien inclure cet aspect dans ma réflexion. En me demandant “est-ce que cette impression / opinion que j’ai sur cette personne est influencée par cette forte impression que j’en avais eue.”
Le biais de Dunning-Krueger
Définition du biais / syndrôme Dunning-Krueger
Ce biais / syndrôme fait que plus on est expert sur un sujet, moins on est confiants de son expertise. Ou encore :
Les gens peu compétents surestiment leur compétence
Les gens très compétents sous-estiment leur compétence
Illustration du biais / syndrôme Dunning Kruege
On voit très bien cet effet dans les débats télévisés soit dans des débats politiques ou soit dans des émissions à la TPMP.
Un invité parle hyper fort. Utilise des termes simples (simplistes) très marquants. Fait rire l’audience. Il est charismatique.
L’autre invité est plus mesuré dans ses propos. Il dit beaucoup “c’est pas aussi simple que ça”, il apporte de la nuance.
Dans ce genre de situation, on a vite tendance à suivre ce que dit le premier invite, celui qui parle fort. Pourtant souvent c’est l’autre qui a raison.
Mais Dunning Krueger, fait que l’invité nb 1️⃣ est convaincu du bien fondé de ce qu’il avance. Il n’a aucun problème à être hyper simpliste. L’invité nb 2️⃣, l’expert ose moins avancer des choses. Il sait que les choses sont plus compliqués qu’elles en ont l’air. Et derrière, le public suit celui qui parle le plus fort et qui a l’air le plus convaincu.
C’est un exemple fictif et derrière il n’y a pas que la pertinence du discours de fond, il y a aussi la forme et d’autres enjeux de rhétorique. Mais attention en tant qu’expert à ne pas être inaudible par rapport à de faux experts. Et attention en tant que spectateur à savoir identifier quelqu’un qui tient des propos trop simplistes. Peut-être qu’il surestime juste sa compétence.
On s’en protège comment ?
En tant que “spectateur” de ce biais Dunning-Krueger, il faut être vigilant et ne pas se laisser avoir. En se demandant “cette personne qui a l’air si sûre d’elle ne serait-elle pas victime de ce biais ?” Encore une fois, il faut ramener ça à du factuel : quelles sont ses références ? Est-il crédible qu’elle soit aussi forte sur le sujet ?
En tant qu’expert, ça va dépendre des phases d’apprentissage de la compétence :
En démarrant une discipline, il faut rester humble. Grosso modo, au bout de quelques heures de pratique, tu peux pas avoir tout compris.
En commençant à mieux maîtriser une discipline, il faut rester endurant. C’est normal d’avoir l’impression de ne pas tout maîtriser. Tu vois forcément l’ensemble de la complexité et les subtilités. En continuant à pousser, ça va aller.
En devenant expert, il te faut de la clarté. Tu dois parler de ton sujet de manière pédagogique. Attention à être vocal et à ne pas te laisser assourdir par les autres “moins experts” qui vont surestimer leur compétence.
Ce dernier point est important. C’est de la responsabilité de l’expert d’aller au front pour dire des choses claires et intelligibles. Notamment parce qu’il y aura trop de faux experts qui vont surestimer leur compétence et dire des choses fausses ou inexactes.
Vivre avec les biais
Au final, on a vu pas mal de biais et beaucoup d’idées pour mieux contrôler ceux-ci. Je voudrais terminer en disant qu’il faut à l’évidence savoir vivre avec ces biais. Ils font partie de nous, de notre société et de notre monde. Voici donc 3 conseils généraux que je souhaiterais donner à ce sujet pour terminer.
Conseil #1 : protéger les autres
Tout le monde n’a pas le même rapport à ces biais et notamment pas le même niveau de prise de conscience. C’est important de protéger les autres à cet égard.
Cela peut passer par :
Poser des questions naïves et pas trop inquisitrices “tu es sûr de vouloir prendre cette décision ?”, “ne penses-tu pas qu’il faudrait attendre un peu avant de faire ça ?”
Ramener la rationalité sur la table “est-ce vraiment nécessaire d’acheter tel objet en double parce qu’il est en réduction ?” ; “est-ce que vraiment le fait que le site soit complexe est un élément pertinent pour me renseigner sur sa qualité ?”
En revanche, il ne faut surtout pas être dans le jugement. C’est très facile quand on est familier avec ces notions d’être dans une posture de donneur de leçon. Attention à ne pas rentrer dans cet écueil. Déjà parce qu’il faut respecter que tout le monde n’a pas le même degré de maturité sur le sujet. Ensuite parce que c’est juste contre-productif.
Conseil #2 : faire preuve de vigilance pour soi
Un objectif : en être conscient le plus possible. Sans tomber tout le temps dans le fait d’utiliser sa pensée rationnelle, c’est bien d’identifier les moments où il y a un biais. Quitte à “tomber dedans”, pourquoi pas. Tant qu’on le voit un peu. Et que c’est lucide / intentionnel.
C’est comme par exemple quand tu montes une boîte. À un moment c’est forcément un processus long et difficile. Tu as besoin d’y croire et de ne pas abandonner. Donc c’est normal parfois d’avoir un peu de biais de confirmation qui te donne de l’espoir pour continuer à avancer. Ça peut donner un petit coup de boost. Il ne faut juste pas tomber dans l’écueil de le pousser trop loin et de ne pas voir d’éventuels risques qui pèsent sur ton projet.
C’est comme quand on discute avec quelqu’un et qu’on lui dit “tu me prends par les sentiments”. C’est ce genre de phrase qu’il faut se dire face aux biais.
Oui on a dévié de la pensée rationnelle, il y a du biais dans l’affaire.
Mais c’est pas grave, parce que c’est un choix conscient et consenti.
Le problème ce ne sont pas les biais en soi (encore une fois il y en a partout), c’est le fait qu’ils nous manipulent à notre insu.
Conseil #3 : accepter que c’est dans notre nature
On n’est pas des machines et c’est très bien ! On ne peut pas passer notre temps à utiliser la pensée rationnelle sur tout.
Déjà parce que parfois les biais ou des choses irrationnelles peuvent nous amener à prendre d’excellentes décisions. Typiquement on dit beaucoup (et je pense que c’est vrai) que lorsqu’on devient entrepreneur ce sont souvent pour des raisons “mauvaises” ou en tout cas pas politiquement correctes. C’est à dire que souvent les gens se lancent dans l’entrepreneuriat pour :
gagner beaucoup d’argent
monter de grosses boîtes et avoir beaucoup de pouvoir
montrer à ceux qui les ont sous-estimé qu’ils ont eu tort !
Par exemple, quand j’étais en prépa, j’ai voulu redoubler ma deuxième année pour essayer d’avoir Polytechnique. À l’époque mes profs m’avaient dit que c’était une mauvaise idée. Et que je ferais mieux d’aller directement en école à la fin de ma deuxième année. Sur le moment ça m’a un peu attristé. Puis ensuite ça m’a donné une motivation énorme : “j’allais leur montrer qu’ils avaient tort”. Au final, ça m’a poussé à prendre cette décision et c’est sûrement une raison pas top… mais rétrospectivement intégrer Polytechnique m’a apporté énormément donc la décision s’est révélée plutôt bonne à moyen terme.
Ensuite, évidemment parfois, ça nous pousse à prendre de mauvaises décisions. Mais je trouve qu’on arrive souvent à tirer beaucoup de choses positives des mauvaises décisions et de leurs mauvaises conséquences. On apprend beaucoup de ses échecs, sur soi et sur ce qu’on veut faire. Et puis ça pousse à être indulgent envers soi, OK tu as craqué devant cette promotion, OK tu as acheté plus que ce dont tu avais besoin… mais c’est pas la fin du monde 😃
Conclusion
Merci de m’avoir lu.
J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cette newsletter. J’espère que tu en as eu autant à la lire.
On se retrouve la semaine prochaine mais si tu es trop impatient pour attendre, tu peux :
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Bon courage pour la semaine 😃
Victor